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Dans les années 50, un mouvement révolutionne le monde de l’architecture : le Brutalisme. Porté par des réalisations et des créateurs iconiques, ce courant innovant et à la forte philosophie sociétale, est au départ décrié avant de devenir une référence au fil du temps et de la redécouverte des ses trésors. Aujourd’hui, il est même une source d’inspiration dans beaucoup de projets contemporains qui redonnent ses lettres de noblesse au matériau étendard de ce mouvement : le béton.

À la sortie de la Seconde guerre mondiale, la reconstruction de villes souvent dévastées doit se faire vite et à faible coût. Tous les programmes sont concernés : logements, centres commerciaux, universités, bâtiments publics comme administratifs… Afin de répondre à cette exigence impérieuse, les architectes recourent alors à un matériau économique, efficace et disponible en abondance : le béton. Une matière en effet idéale pour dessiner des géométries simples et massives, et dont l’utilisation s’étend vite mondialement, du Royaume-Uni – où le mouvement brutaliste est né – à la France, des États-Unis jusqu’en Europe de l’Est et en Amérique du Sud.

Jusque dans les années 70, le Brutalisme va connaître une expansion croissante car il séduit beaucoup de créateurs, au-delà même de son caractère économique. Nombre d’agglomérations modestes, rythmées jusqu’ici par la routine quotidienne de leurs habitants, se transforment alors en villes modernes peuplées de gratte-ciel sculpturaux. Courant révolutionnaire, le Brutalisme est l’expression d’une rupture radicale avec les fioritures et le raffinement de l’ancien style dit « Beaux-Arts », jusqu’ici prédominant. C’est aussi la volonté affichée de revenir à l’essence même d’un matériau, de revendiquer sa force naturelle, de promouvoir une forme de simplicité et de dénuement. Malgré leur aspect brut de décoffrage, les façades des bâtiments brutalistes – marqués par une forte verticalité, un aspect massif et des géométries anguleuses et répétitives – affichent des textures et des formes remarquables grâce aux différentes teintes des ciments et des agrégats. Des architectes parmi les plus renommés – tels Ludwig Mies van der Rohe, Le Corbusier, Marcel Breuer, Louis Kahn ou encore Jean Renaudie – deviennent les chantres de ce mouvement et signent des réalisations qui vont rentrer dans l’histoire de l’architecture. La Cité Radieuse de Marseille (1952), le Centre National de la Danse de Pantin (1972) ou le Royal National Theatre de Londres (1977) sont autant d’exemples emblématiques, où la conception du bâtiment laisse souvent paraître l’organisation intérieure directement depuis l’extérieur. La valeur d’usage est alors particulièrement mise en avant, avec des espaces et des fonctions clairement distincts les uns des autres. Le terme Brutalisme dépasse progressivement le simple domaine de la construction et envahit d’autres courants et tendances artistiques, comme le design ou la sculpture.

Ces structures de béton impressionnantes ne rencontrent pas immédiatement le succès car elles sont tout d’abord considérées comme une trop grande fracture dans le panorama de l’architecture moderne, devenant ainsi autant de symboles de rupture avec les savoir-faire historiques. C’est l’expansion importante du Brutalisme qui permet son acceptation et une meilleure compréhension de sa philosophie. C’est aussi sa redécouverte et sa revalorisation au début du XXIe siècle qui redore sa réputation. Aujourd’hui, ces géants intemporels sont devenus des trésors architecturaux à préserver, offrant par exemple un cadre idéal pour des projets artistiques minimalistes, capable de mettre en valeur des expositions d’œuvres ou des installations artistiques. Ce sont aussi les marqueurs forts d’une époque et de la créativité de leurs architectes qui ont directement inspiré leurs héritiers. Des maîtres actuels comme Tadao Ando, Shigeru Ban ou encore Jacques Herzog revendiquent avec fierté une inspiration née des principes du courant Brutaliste, dans des projets mondialement célébrés. De même, nombre d’expositions et de publications célèbrent ce mouvement et son matériau de prédilection. Le béton est en effet devenu un matériau noble et fortement apprécié qui, grâce à ses qualités intrinsèques et ses avancées technologiques, est devenu gage de qualité et marqueur d’un charme qui a su traverser le temps.