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STEPHAN ZIRWES, PHOTOGRAPHE MINIMALISTE

Presque immatérielles, les piscines photographiées « d’en haut » par Stephan Zirwes délivrent une étonnante poésie minimaliste. Dans ces vues aériennes capturées à travers l’Europe, l’artiste allemand revisite l’esthétisme des piscines municipales, devenues le motif central de ses compositions. Il délivre aussi un plaidoyer autour de l’accessibilité de l’eau, en réaction à la privatisation de nombreuses piscines dans un simple but commercial.

Né en 1967 à Sindelfingen, en Allemagne, Stephan Zirwes est un spécialiste de la photographie aérienne. Fasciné depuis son enfance par les piscines municipales, il débute son projet « Pools » en 2016. Il est aujourd’hui le sujet de quatre séries qui ont remporté différents prix de photographie et font redécouvrir ces espaces de vie à travers une perspective inhabituelle.

Si ces shootings ont commencé en Allemagne, et plus particulièrement dans le Sud où pratiquement chaque ville possède une piscine municipale, Stephan Zirwes a ensuite arpenté l’Europe à la recherche de nouveaux sujets, notamment en Islande et en Italie. Grâce à l’utilisation de drones, le photographe révèle ces lieux sous un nouveau jour : en surplomb et en miniature, ils ressemblent à des agencements inattendus de formes graphiques, un mélange de lignes et de cercles, mais aussi de couleurs et de motifs.

Chacune de ses séries est l’occasion d’une nouvelle approche. « Pools 2018 » propose ainsi un style plus minimaliste, où tous les éléments extérieurs sont supprimés et remplacés par un fond à motif, pour mieux se concentrer sur la forme et les couleurs des bassins. En post-production, des parties du carrelage d’origine sont copiées et élargies pour recréer un fond de motifs réguliers.

Avec « Cut Outs – Pools 2018 », le photographe se rapproche encore, pour aller au plus près des détails : plongeoirs, lignes de démarcations, marches et rebords sont revisités et deviennent des éléments à part entière de ses agencements graphiques, des motifs abstraits qui interpellent et ravissent à la fois.

En 2019, Stephan Zirwes pointe son objectif sur les piscines extérieures tout en ajoutant à ces compositions l’influence des saisons sur l’aspect des bassins, parfois gelés, parfois recouverts des feuilles d’automne ou de fleurs printanières. Une poésie décalée et déroutante, qui parle à tous.

« J’aime la beauté et l’humour, l’absurdité ; j’aime découvrir de nouvelles perspectives, avoir des vues nouvelles sur les choses », explique Stephan Zirwes, qui revendique une inspiration née de films mythiques des années 80, comme Koyaanisqatsi de Godfrey Reggio ou encore ceux de Jacques Tati. Des influences peu anodines car, si le photographe sublime ces piscines municipales en mettant en lumière leur structure et leurs détails graphiques, il délivre aussi un message politique.

Au fil de ces projets, il veut en effet rappeler l’importance de l’accès aux piscines publiques des villes, des lieux de vie où toutes les strates de la population peuvent se mélanger, peu importe leurs origines. Il regrette ainsi la profusion de piscines privées dans des pays comme les États-Unis, et dénonce la privatisation de l’eau, à une époque où cette question devient prépondérante.

« Les piscines privées font partie de mon enfance, rappelle-t-il. En Allemagne, nous avons des piscines publiques immenses, avec près de 15 000 visiteurs les jours les plus fréquentés. Et ça ne coûte pratiquement rien ! Aux États-Unis, presque toutes les piscines sont devenues des parcs aquatiques, avec des prix pouvant grimper jusqu’à 120 dollars la journée ! Or, les piscines sont un espace social qui ne devrait pas seulement être dédié au plaisir des personnes riches, mais resté accessible à tous. »

Dans son pays, son espoir réside aujourd’hui dans le nouveau programme de re-municipalisation, qui prévoit que les autorités locales se réapproprient certains services privés, et qui pourrait donc sauver beaucoup de piscines publiques germaniques. D’ici là, l’épure de ses clichés de bassins vus d’en haut continuera de faire voyager le message… et le spectateur !

Images: Stephan Zirwes Photographer